La fin de l'automne et le début de l'hiver météorologiques (fin novembre et début décembre) sont souvent caractérisés sur une bonne partie de l'Europe par une situation météorologique dite NAO+ (pour "positive north atlantic oscillation" ou "oscillation nord-atlantique positive" en français). Cette année, le régime météo qui est prévu se mettre en place pour le début du mois de décembre s'annonce très différent. En effet, l'anticyclone présent sur la Sibérie va devenir de plus en plus puissant et étendu et devrait s'étendre jusque sur la Scandinavie. Avec comme corollaire de l'air continental froid qui devrait gagner une bonne partie du continent.
Régimes météo sur l'Europe
Les météorologues distinguent 4 régimes météorologiques principaux pour caractériser le temps à l'échelle du continent européen.
- Le régime NAO+ ou régime zonal
- Le régime NAO- (phase négative)
- Les régimes de dorsales
- Les régimes de blocages
L'oscillation nord-atlantique
L'oscillation nord-atlantique ou NAO est un indice basé sur la différence de pression atmosphérique entre les Açores et l’Islande, située dans l’océan Atlantique. Les bulletins météorologiques font régulièrement état des dépressions présentes vers l'Islande et de l'anticyclone des Açores, ces deux grands systèmes météo qui rythment le temps du continent européen. L’indice NAO permet de caractériser leurs influences respectives ainsi que leurs positions.
Le régime NAO+ ou régime zonal
La NAO+ correspond à la phase positive de l'oscillation nord-atlantique. Il s'agit du régime de temps le plus classique en Europe (30% des occurrences), durant lequel les dépressions circulent sur leur terrain de jeu habituel au nord de l'océan Atlantique, tandis que l'anticyclone est présent dans la région des Açores. Plus la différence de pression entre les deux systèmes météorologiques sera importante et plus l'index NAO sera positif.
Fig. 1: Illustration théorique d'un régime météo d'oscillation nord-atlantique positive. Source: Wikipedia
Dans cette configuration, les perturbations océaniques ont tendance à se succéder sur une partie de l'Europe, accompagnées de vents d'ouest plus ou moins soutenus et de douceur, alors que les régions proches de la Méditerranée profitent en général de conditions calmes et ensoleillées.
Le régime de NAO- (phase négative)
La NAO- correspond à la phase négative de l'oscillation nord-atlantique. Ce régime est moins fréquent en Europe et se retrouve dans environ 20% des configurations météo hivernales.
Dans une telle situation, les hautes pressions ont tendance à migrer plus au nord en latitude et se positionner vers l'Islande. Cela perturbe la circulation du courant de Jet dans la haute troposphère, qui se voit dévié vers la Méditerranée et le nord de l'Afrique. Dans son sillage, davantage d'humidité est drainée sur la péninsule Ibérique, les Baléares, la Sardaigne et encore l'Italie, où les précipitations sont alors plus fréquentes que la normale.
Fig. 2: Illustration théorique d'un régime météo d'oscillation nord-atlantique négative. Source: Wikipedia
Par effet de balancier, sur le nord-ouest de l'Europe et jusqu'à la Suisse, un tel régime météorologique a tendance à favoriser la présence d'air d'origine arctique avec des températures en dessous des normales et un risque plus élevé de chutes de neige jusqu'à basse altitude.
Les régimes de dorsales et de blocages
Alors que les régimes NAO représentent autour de 50% des configurations météorologiques sur une bonne partie de l'Europe, il existe encore deux autres principaux régimes météo.
Les régimes de dorsales
Dans cette configuration météorologique (23% des occurrences), l'anticyclone des Açores a tendance à venir se positionner à proximité des îles Britanniques. A contrario, les dépressions sont davantage marquées sur la Scandinavie et l'Est de l'Europe. La Suisse se situe souvent à l'interfaces entre ces deux systèmes météorologiques, avec des perturbations plus ou moins atténuées ou plus ou moins marquées qui peuvent affluer dans un courant de nord-ouest en altitude.
Fig. 3: Illustration théorique d'un régime météo dit de "dorsale". En rouge, l'anticyclone sur l'océan Atlantique, en bleu les basses pressions vers la Scandinavie et l'Europe orientale. Source: Cassou
Les régimes de blocage
Lors d'une situation météorologique dite de "blocage" (27% des situations synoptiques européennes), un anticyclone vient se stationner sur l'Europe centrale ou jusqu'à la Scandinavie. Les dépressions se retrouvent ainsi bloquées sur l'océan Atlantique et l'ouest des îles britanniques.
Fig. 4: Illustration théorique d'un régime météo dit de "blocage". En rouge, l'anticyclone puissant positionné sur la Scandinavie. Source: Cassou
En Suisse, il s'agit d'une configuration météorologique susceptible en hiver de conduire à des températures fraîches à froides sur les régions de plaine en raison de la présence de stratus tenaces. Mais cela peut aussi aller jusqu'à générer une vague de froid en provenance des steppes de la Russie. La dernière en date étant celle de février 2012.
Les mécanismes à activer pour déboucher sur un tel scénario sont toutefois très complexes. En effet, il faut en prime une parfaite synchronisation entre l'avancée de l'air froid sibérien sur le continent européen et la présence de dépressions sur la Méditerranée centrale et orientale. Ce sont elles qui vont servir à aspirer l'air froid plus à l'ouest jusqu'en direction des Alpes ou du golfe de Gascogne.
Un anticyclone sibérien puissant pour débuter le mois de décembre
Tel qu'annoncé dans l'en-tête de cet article, durant la période allant de la fin du mois de novembre ou début du mois de décembre, ce sont très souvent des régimes météorologiques NAO+ ou de dorsales qui dictent le temps sur l'ouest de l'Europe et la Suisse.
Cette année, la configuration météo sera très différente à l'échelle de l'Europe. En effet, l'anticyclone sur la Sibérie va se faire de plus en plus puissant et étendu. Il va se propager jusque sur la Scandinavie et probablement s'y positionner durant plusieurs jours.
Fig. 5: Anomalie de la pression au sol pour la période allant du 28 novembre au 5 décembre. Source: ECMWF
Cela permettra graduellement de faire avancer de l'air de plus en plus froid sur l'est de l'Europe, voire également l'Europe centrale.
Fig. 6: Anomalie des températures pour la période allant du 28 novembre au 5 décembre. Source: ECMWF
Une situation rare à cette période de l'année
Une telle configuration météorologique est relativement rare à cette période de l'année. Pour retrouver une répartition de la pression plus ou moins similaire au début du mois de décembre, il faut remonter à exactement il y a 20 ans, à savoir en décembre 2002.
Fig. 7: Il y a presque 20 ans, un puissant anticyclone s'était développé sur la Scandinavie, mais cela n'avait pas suffit pour que l'air froid sibérien puisse s'écouler jusqu'en direction de la Suisse. Source: wetterzentrale.de
La situation météorologique à l'époque n'avait toutefois pas débouché sur une vague de froid jusqu'en Suisse. La dernière réelle vague de froid au mois de décembre sur la Suisse remonte à 2001. Cette année-là, à la mi-décembre, les températures minimales étaient descendues entre -8 et -12° autour du Léman et sur le Plateau et les maximales n'avaient parfois pas dépassé les -5° le 15 décembre.
Quelles conséquences en Suisse ?
Bien que les modèles soient en accord dans les grandes lignes sur la configuration à l'échelle synoptique, il subsiste encore de grandes incertitudes dans les réglages fins liés à cette situation. Il faut dire que les échéances sont encore lointaines.
En Suisse, la tendance est toutefois à connaître une météo de plus en plus frisquette au fil de la semaine prochaine. Il ne s'agira pas pour l'heure encore d'arrivée d'air sibérien sur nos régions. Mais l'association entre un courant de bise et des stratus souvent tenaces entre le Jura et les Préalpes devrait conduire à une abaissement graduel des températures et une sensation de froid accrue. Ce d'autant plus que s'achève l'un des automnes les plus doux depuis le début des mesures.
Fig. 8: Evolution du temps la semaine prochaine à Payerne. On y voit la baisse graduelle des températures et une sensation de froid qui pourrait en prime être accentuée par un courant de bise.
A plus longue échéance - à partir du 5 décembre grosso modo - certains modèles entrevoient que l'air d'origine sibérienne puisse s'écouler de plus en plus en direction de l'Ouest de l'Europe. Les températures deviendraient alors franchement froides, y compris en Suisse.
Les gelées seraient dans ce cas généralisées jusqu'en plaine et les températures pourraient même avoir de la peine à atteindre la barre du zéro degré les après-midis.
Les échéances sont toutefois lointaines et il est tout à fait possible que les modélisations ne se concrétisent pas telles qu'entrevues à l'heure actuelle. Mais dans un contexte où la consommation d'énergie est à la une de l'actualité, si une telle configuration météo venait à se confirmer et à se prolonger, elle pourrait avoir davantage de conséquences économiques et sociales que dans un passé récent.
Les prochaines sorties de modèles confirmeront ou infirmeront l'irruption ou non d'une période froide plus ou moins marquée et durable jusque sur nos contrées. Vous pouvez vous informer directement sur notre site web ou dans nos différents blogs.
Fig. 9: Ci-dessus, les températures minimales brutes prévues par le modèle européen ECMWF le lundi 5 décembre. Les gelées deviennent marquées sur l'Europe centrale et orientale et le gel est généralisé en Suisse. A titre informatif uniquement.