En Inde et au Pakistan, les températures les plus élevées sont généralement atteintes à la fin du printemps et au début de l'été, avant le début de la mousson. Mais cette année est exceptionnelle à cet égard, la chaleur a commencé tôt et se dirige maintenant vers des niveaux records !
UN MOIS DE MARS SEC ET CHAUD
Le mois de mars dernier avait déjà été marqué par des températures inhabituellement élevées, l'Inde ayant connu le mois de mars le plus chaud depuis 1901. La dernière fois qu'il avait fait aussi chaud, c'était en 2010, une année El Niño. Mais actuellement, c'est La Niña qui règne dans le Pacifique, ce qui a typiquement un léger effet de refroidissement global. Cette année, cela ne semble pas être le cas, du moins en Asie du Sud, et nous nous dirigeons vers la période de deux mois la plus chaude depuis le début des relevés. Mais le mois de mars n'a pas seulement été chaud, il a aussi été sec. C'est surtout dans le nord de l'Inde et au Pakistan que l'on constate un déficit massif de précipitations au niveau régional.
CHALEUR EXCEPTIONNELLE
Cette situation n'a guère changé jusqu'à présent en avril. Au-dessus de l'Inde et du Pakistan se maintient une crête anticyclonique stable avec de l'air très chaud à haute altitude, ce que l'on appelle un dôme de chaleur. L'isotherme du zéro degré se situe parfois à plus de 5000 mètres. La température la plus élevée jamais enregistrée en Inde en avril est de 48,3 degrés à Barmer (Rajasthan). Au Pakistan, elle a même atteint 50,3 degrés en 2018 à Nawabshah. De telles valeurs de température sont donc en principe possibles et dans les prochains jours, nous nous rapprocherons à nouveau de ces records.
Ce qui est exceptionnel, ce n'est pas seulement le niveau élevé des températures, mais aussi leur durée. Depuis plusieurs semaines déjà, les températures sont largement supérieures à la moyenne. Par exemple, à New Delhi, les températures maximales avoisinent généralement les 35 degrés en avril, avec des pointes à 38 degrés. Ce mois-ci, les maxima ont toujours été supérieurs à 38 degrés, à l'exception de deux jours, et la barre des 40 degrés a déjà été franchie à plusieurs reprises. Mais toute une série de jours avec des maximales de 42 à 45 degrés, soit 7 à 10 degrés de plus que la norme, est désormais au programme. Le record d'avril à Delhi est de 45,6 degrés.

Fig. 1: Prévision des températures le 1er mai à 12 UTC
Dans d'autres régions, il fera encore plus chaud ! En Inde, ce sont les États du Rajasthan et du Gujarat qui seront les plus touchés, et au Pakistan, la plaine de l'Indus, où l'on pourra atteindre localement jusqu'à 50 degrés. En milieu de semaine prochaine, les températures ne baisseront que légèrement et le week-end suivant pourrait être encore plus chaud que le précédent. Cette vague de chaleur n'est donc pas prête de s'arrêter !
QU'EST-CE QUE CELA SIGNIFIE POUR LES GENS ?
L'organisme humain essaie de maintenir sa température corporelle centrale stable par l'évaporation de la sueur. Cela fonctionne plus efficacement dans des conditions de chaleur sèche que dans des conditions d'humidité élevée.

Fig. 2: Tableau Humidex
Selon une étude de l'université de Sydney, en cas de forte sécheresse, 46 degrés semble être la limite supérieure de ce que l'Homme peut encore supporter dans la durée et sans protection. Mais si l'humidité de l'air augmente, ce niveau est proportionnellement plus bas. Les Hommes et les animaux vont alors souffrir d'un stress thermique aigu. Si la température baisse pendant la nuit, il est encore possible de se reposer temporairement. Bien sûr, il est possible de s'en sortir avec des climatiseurs - mais en théorie seulement.
HAUTE TECHNOLOGIE ET GRANDE PAUVRETÉ
L'Inde et le Pakistan comptent actuellement environ 1,6 milliard d'habitants. Le contraste entre la grande pauvreté et la vie moderne dans les centres est énorme. Une grande partie de la population ne dispose d'aucun système de climatisation. Un travail pénible n'est pas possible par ces températures, bien que beaucoup en dépendent. Actuellement, les températures nocturnes ne descendent plus ou presque plus en dessous de 30 degrés dans les lieux touchés par la canicule, tandis que dans les villes, la chaleur diurne s'accumule parfois de manière encore plus marquée (îlots de chaleur urbains). La situation devient alors quasiment insupportable pour nos organismes.
Lors de la dernière vague de chaleur marquée en 2015, l'Inde a connu une forte augmentation de la surmortalité, et il faut s'attendre à ce qu'il en soit de même dans les jours et semaines à venir. Ce n'est pas pour rien que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie ces vagues de chaleur d'intempéries silencieuses ou cachées. Le stress thermique proprement dit, le manque d'eau et, par la suite, les réseaux électriques surchargés sont souvent à l'origine de bien plus de décès que des phénomènes météorologiques violents comme les tempêtes ou les ouragans.
CONSÉQUENCES POUR L'AGRICULTURE ET LA SITUATION ALIMENTAIRE MONDIALE
Comme nous l'avons déjà mentionné, il ne fait pas seulement chaud, mais aussi sec. Cette combinaison est également synonyme de stress pour de nombreuses cultures. Dans la situation actuelle, des pertes considérables sont à craindre au niveau de la récolte de blé. En raison des pertes de récolte en Ukraine, le marché mondial du blé est de toute façon déjà sous pression, les signes indiquent que les prix vont encore augmenter. Et tous les pays ne pourront pas les payer, les plus pauvres resteront comme toujours sur le carreau. Si la chaleur devait se poursuivre dans les semaines et les mois à venir jusqu'au début de la mousson d'été dans des proportions similaires, les conséquences seraient catastrophiques et encore imprévisibles.